Plus de 6.500 espèces minérales ont été découvertes et on continue à en identifier de nouvelles. Les dépôts fumerolliens du volcan Plosky Tolbachik, au Kamchatka, sont une véritable mine d’or à cet égard. Des géologues et cristallographes russes viennent de faire l’annonce de la découverte de la petrovite que l’on trouve sur ses flancs.
Il n’y a pas de géologie sans minéralogie et c’est probablement via cette dernière que l’on attrape le virus dès la petite enfance ou adolescence, et avec l’aide des documentaires sur les volcans et les fossiles de dinosaures. Avec l’astronomie, c’est probablement l’une des plus anciennes sciences puisque l’Homme exploite des minerais depuis des millénaires.
Les chercheurs en géosciences qui s’occupent de minéralogie savent que les roches sont des assemblages formés à partir d’un vaste zoo de plus de 6.500 espèces minérales. Tout comme on en découvre toujours aujourd’hui dans le monde animal et végétal, les géologues en identifient encore de nouvelles aujourd’hui. On en voit un nouvel exemple avec une publication d’une équipe de chercheurs russes de l’université de Saint-Pétersbourg, dirigée par Stanislav Filatov, professeur au département de cristallographie de cette prestigieuse institution. L’article de Mineralogical Magazine fait en effet état de la découverte de la petrovite, un minéral inconnu jusqu’ici et dont le nom est en honneur de Tomas Petrov, un cristallographe russe exceptionnel, professeur à l’université de Saint-Pétersbourg.
« La minéralogie a plusieurs volets ici, et ce qui nous rassemble tous, ce sont des méthodes, les échelles d’observations… » Entretiens avec Guillaume Fiquet, chercheur CNRS-IPGP-IMPMC, et des membres de son équipe en 2012. © Chaîne IPGP
Les géologues ont fait sa découverte sur la célèbre ceinture de feu, la bordure de la plaque tectonique du Pacifique comportant de nombreux volcans actifs. En l’occurrence, la petrovite est associée à l’activité fumerollienne du volcan Tolbachik au Kamtchatka. Les dépôts volcaniques qui se sont formés à l’occasion de deux éruptions majeures du Tolbachik, en 1975-1976 et 2012-2013, y sont des mines d’espèces minérales exotiques.
Ce n’est nullement surprenant car de nombreux gisements et gîtes de minéraux sont en rapport avec des régions volcaniques. On peut citer l’atacamite dans les Andes, la chromite dans les ophiolites ou tout simplement les nombreux sulfates, chlorures et sulfures des dégagements fumerolliens très spectaculaires de Vulcano dans les îles éoliennes. On peut en effet y admirer des dépôts constitués de soufre jaune et de sels en général blancs (sulfates et chlorures principalement). Ils proviennent des gaz émis qui sont généralement composés, dans l’ordre décroissant de : H2O (au moins 75 %), CO2, SO2, H2S, HCl, HF, chlorures, sulfures et sulfates divers dont les plus fréquents sont des sulfates doubles d’aluminium et de potassium, des aluns qui ont été exploités depuis l’époque romaine jusqu’à la fin du XIXe siècle.
Activité fumerollienne, dépôts soufrés solides (phase alpha et bêta) et liquides, filmés en 2018 au bord du cratère de la Fossa, à Vulcano (Iles Éoliennes, Sicile, Italie). © Ludovic Leduc
La petrovite du Tolbachik est quant à elle un sulfate de cuivre, de sodium et de calcium de formule Na10CaCu2 (SO4)8, et elle se présente sous forme d’agrégats globulaires bleus de cristaux tabulaires avec des inclusions gazeuses.
Ce n’est pas le premier minéral étonnant découvert sur le Tolbachik car des dizaines de nouveaux minéraux, dont beaucoup sont uniques au monde, y ont été identifiés depuis quelques années, comme la saranchinaite, dans des affleurements provenant de nombreux cônes de cendres fracturés par la grande éruption fissurale du Tolbachik qui s’est produite de 1975 à 1976. En fait, depuis qu’il est étudié, le volcan a livré au moins 130 minéraux différents.
La pétrovite possède un nombre de coordination, comme disent les cristalochimistes, très rare avec sept atomes d’oxygène associés à un atome de cuivre pour la maille cristalline. En fait, on est même en présence d’un nouveau type de structure cristalline, bien que présentant des similitudes avec la saranchinaite, conduisant à une sorte de matériaux de nature poreuse avec un réseau interconnecté qui pourrait permettre aux ions sodium de migrer à travers cette structure.
Les cristallographes pensent que ce minéral pourrait conduire à des applications importantes en science des matériaux, par exemple pour réaliser des cathodes à utiliser dans les batteries et les appareils électriques.
Éruption du volcan Plosky Tolbachik, Kamchatka, Russie, en 2012. La vidéo se regarde aussi en réalité virtuelle. © AirPano VR
Ce qu’il faut retenir
- Un nouveau minéral baptisé edscottite a été découvert dans une météorite tombée en 1951 en Australie.
- Ce minéral appartient à la famille des carbures de fer, des composés tels que la cohenite (Fe3C) qui peut se trouver en inclusion dans les diamants, dans les basaltes ultra-réduits de Disko, au Groenland et dans certains gisements d’hydrocarbures à l’état naturel sur Terre.
- La météorite de Wedderburn serait issue du noyau en fusion d’une ancienne planète, ce qui explique la présence de minéraux ne se formant qu’à des pressions et des températures extrêmes.
- Un autre nouveau minéral baptisé petrovite et de formule Na10CaCu2 (SO4)8, a été trouvé dans les dépôts fumerolliens du volcan Plosky Tolbachik, au Kamchatka.
Pour en savoir plus
Article de Céline Deluzarche publié le 03/09/2019
Schreibersite, taenite, troilite et maintenant edscottite : la météorite de Wedderburn, découverte il y a près de 70 ans, n’en finit plus de livrer de nouveaux secrets. Le dernier minéral en date, identifié par des chercheurs du Caltech, se forme dans des conditions très rares de pression et de température. Il pourrait s’agir du cœur en fusion refroidi d’une ancienne planète.
Soixante-huit ans après sa découverte, ce caillou de la taille d’un citron aux reflets rouges et noirs contient encore des secrets. La météorite de Wedderburn, du nom de la petite localité australienne où elle a été trouvée en 1951, contient un minéral encore inconnu sur Terre, ont révélé le 28 août des chercheurs de l’université américaine California Institute of Technology (Caltech). Ce morceau de roche de 210 grammes contient entre autres de l’or, du nickel et du fer, mais aussi d’autres minéraux plus rares tels que la kamacite, la schreibersite, la taenite, ou encore la troilite. D’après les nouvelles analyses effectuées par les chercheurs à partir d’un échantillon et publiées dans la revue American Mineralogist, un petit nouveau vient de s’ajouter à la liste : l’edscottite, du nom du découvreur de la météorite, le cosmologiste Edward Scott et de formule Fe5C2.
Ce matériau n’est pas totalement inconnu : il a déjà été observé dans des fonderies lorsque le fer est fondu en acier. Mais il n’avait jamais été vu à l’état naturel, ce qui est un critère indispensable pour être officiellement classé comme nouveau minéral par l’Association internationale de minéralogie (AIM). Pour être reconnu, un nouveau minéral doit ainsi résulter « d’un processus géologique terrestre ou extraterrestre, sans intervention de l’Homme » et posséder une composition chimique et des propriétés cristallographiques différentes de celles d’un minéral existant. « Entre 500.000 et 600.000 minéraux ont déjà été créés artificiellement en laboratoire, mais moins de 6.000 existent à l’état naturel », atteste ainsi Stuart Mills, géologue au musée de Victoria, sur le site The Age.
L’edscottite est un arrangement d’atomes de fer et de carbone appartenant à la famille des carbures de fer. Deux autres carbures de fer semblables ont d’ailleurs déjà été identifiés dans des météorites, la cohénite (Fe3C) et l’haxonite (Fe23C6). « Comme ces derniers, l’edscottite se forme à partir de kamacite [un alliage de fer et de nickel que l’on trouve uniquement dans les météorites] mais contrairement à eux, elle est structurée en strates, peut-être en raison de sa croissance très rapide après sursaturation du carbone, expliquent les auteurs de l’étude. La formation d’edscottite plutôt que d’haxonite peut résulter d’une concentration plus faible en carbone et donc d’une température de croissance cristallographique inférieure ». Au microscope, ce nouveau minéral ressemble à de minuscules cristaux blancs en stries pris en sandwich entre d’autres minéraux.
La météorite de Wedderburn a été découverte en 1951 et demeure à présent au musée de Victoria en Australie. © Museums Victoria, CC By 4.0
Les météorites sont assez courantes sur Terre. La plupart sont issues de fragments d’astéroïdes naviguant dans la ceinture d’astéroïdes entre Mars et Jupiter. Mais la météorite de Wedderburn, elle, aurait une origine tout à fait différente expliquant la présence de minéraux se formant à des pressions extrêmes : elle proviendrait du noyau en fusion d’une planète détruite par une explosion, d’après Geoffrey Bonning, planétologue à l’université nationale australienne et cité par The Age. Les débris de cette explosion auraient été éparpillés dans le Système solaire et la météorite serait une partie du noyau.
Après les hauts fourneaux et l’espace, une autre source d’edscottite pourrait bien s’ajouter à la liste : le noyau terrestre lui-même. « Les modèles informatiques suggèrent que le Fe3C, le Fe7C3 et le Fe2C sont les carbures de fer les plus stables sous les pressions extrêmes que l’on trouve dans le noyau interne de la Terre. L’edscottite est proche de cette stabilité et pourrait donc aussi être présente », suggère Chi Ma, l’auteur principal de l’étude.
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