Érection du bâtiment de l’EDSEJ à Jacmel, grâce à un million de dollars d’Eric Jean-Baptiste.
À Jacmel, un bâtiment encore inachevé porte déjà l’allure d’une promesse tenue. L’École de Droit et des Sciences Économiques de Jacmel (EDSEJ), ouverte à 80 %, accueille cette année les 600 nouveaux membres de sa 44ᵉ promotion. Dans ses murs en devenir résonne l’ambition d’une jeunesse avide de savoir, mais aussi la victoire d’une communauté qui, malgré les obstacles, s’offre enfin un véritable espace universitaire.

Certains bâtiments, même inachevés, respirent la dignité. Celui qui abrite aujourd’hui l’École de Droit et des Sciences Économiques de Jacmel (EDSEJ), entité de l’Université d’État d’Haïti, fait partie de ceux-là. Fini à 80 %, selon les mots du doyen Frantz Comonce, le lieu incarne pourtant une victoire collective. Une victoire célébrée ce jour-là, lors de la journée d’intégration de la 44ᵉ promotion, qui accueille 600 nouveaux étudiants, dont 400 en sciences juridiques et 200 en sciences économiques.
Dans l’assistance, l’on sentait une jeunesse qui veut comprendre, apprendre, s’élever. Une jeunesse qui rejoint aujourd’hui la seule infrastructure universitaire disponible pour les fils et filles de Jacmel.
Car cette école n’est pas seulement une institution : c’est un acte de résistance, une preuve de ce que peut la communauté lorsqu’elle décide de s’organiser. Le doyen Comonce l’a rappelé sans détour : c’est grâce à deux bienfaiteurs que cette faculté a trouvé pied-à-terre. Le premier, M. Louis Lafontant, a offert le terrain. Le second, la Fondation Éric Jean-Baptiste, a assuré l’intégralité du financement du bâtiment — soit un million de dollars américains. Une somme colossale, surtout dans un pays où il est courant de courir derrière des promesses de 200 000 dollars auprès d’ambassades ou d’institutions internationales. Ici, pas de diplomatie, pas de slogans : un geste réel, concret, fondateur. Et aujourd’hui, le flambeau continue grâce à Olivier Jean-Baptiste, fils de feu Éric Jean-Baptiste, qui poursuit ce mécénat avec la même constance.
Pourtant, malgré cette prouesse communautaire, aucune contribution financière directe de l’État haïtien n’a soutenu l’érection de ce bâtiment. Quelques professeurs sont rémunérés par le rectorat de l’UEH, mais l’essentiel du personnel dépend des fonds générés par l’école elle-même. Et malgré cela, elle fonctionne, elle avance, elle se renforce. Elle dessert aujourd’hui cinq départements : le Sud-Est, le Sud, la Grand’Anse, Nippes et la région des Palmes. Elle forme environ 1 100 étudiants, et compte parmi ses anciens un nombre impressionnant de cadres du système juridique et judiciaire haïtien.

L’école a aussi développé une politique d’équité et d’excellence. Les meilleurs étudiants, les lauréats de chaque session, sont exonérés de tous frais académiques. « Une stratégie qui paie », insiste le doyen. Et pour continuer d’élever le niveau, il prépare déjà ce qui deviendra l’une des plus importantes bibliothèques universitaires de la région : 20 000 ouvrages, déjà réunis, en attente d’un espace en construction que les techniciens finiront prochainement.
En filigrane de cette journée, une question cruciale s’est imposée : fallait-il attendre qu’un autre pays — comme la République dominicaine avec son campus de Monadou — bâtisse pour nous un campus universitaire ? À cette question, le doyen a répondu avec une clarté presque tranchante : non. Ce qui a été fait à Jacmel prouve qu’Haïti peut encore construire pour elle-même, lorsque la volonté collective rencontre la vision et lorsque le secteur privé accepte de jouer son rôle historique de bâtisseur.

Cette 44ᵉ promotion entre ainsi dans une école qui est beaucoup plus qu’un établissement universitaire : c’est un symbole national, une expérience réussie de décentralisation académique, mais surtout une démonstration vivante que, même dans les conditions les plus difficiles, la connaissance trouve toujours un chemin. À Jacmel, ce chemin porte un nom : détermination. Et un visage : celui d’une communauté qui a décidé de ne plus attendre que l’État fasse, mais de montrer l’exemple.
Ricardo Tcardo Nicolas









