Ouragan Melissa : au moins trente morts dans les Caraïbes, Haïti et Cuba durement frappés
L’ouragan Melissa, qui s’éloigne progressivement vers le nord-est après avoir traversé la mer des Caraïbes, laisse derrière lui un sillage de ruines, d’angoisse et de deuil. Classé entre les catégories 3 et 5 sur l’échelle de Saffir-Simpson, le système a démontré une puissance exceptionnelle, générant des vents dépassant les 200 km/h, des pluies diluviennes et des inondations soudaines. Son passage sur Haïti et Cuba a provoqué des scènes d’une rare violence, rappelant à la fois la fragilité des infrastructures locales et la vulnérabilité chronique des populations caribéennes face aux catastrophes naturelles.
En Haïti, le bilan est particulièrement lourd. Selon les informations communiquées par la Direction générale de la Protection civile, vingt personnes ont perdu la vie à Petit-Goâve, dans le département de l’Ouest, après le débordement de la rivière La Digue. Dix autres personnes sont toujours portées disparues, tandis que de nombreuses familles ont tout perdu : maisons, bétail, biens, souvenirs.
Le directeur de la Protection civile, Emmanuel Pierre, a confirmé au journal Le Nouvelliste que « vingt corps ont été retrouvés, dont dix enfants », et que les recherches se poursuivent malgré les difficultés d’accès dans certaines zones isolées. Trois victimes supplémentaires avaient déjà été recensées avant que Melissa ne touche terre, portant à vingt-trois le nombre de morts sur le territoire haïtien.
Au-delà du drame humain, la catastrophe révèle une fois encore la précarité des aménagements hydrauliques et la faiblesse des systèmes d’alerte. Les habitants de Petit-Goâve, comme ceux de plusieurs communes côtières, témoignent d’une montée rapide et brutale des eaux, sans véritable signal d’alarme préalable. Les infrastructures de drainage, souvent obstruées ou insuffisantes, ont aggravé la situation. L’absence de plans d’évacuation fonctionnels a aussi contribué à l’ampleur des pertes.
De l’autre côté du canal du Vent, Cuba a vécu une nuit d’effroi. Le président Miguel Díaz-Canel a évoqué sur son compte X une « nuit très complexe », marquée par des vents destructeurs et des pluies diluviennes, provoquant d’importants dégâts matériels dans plusieurs provinces. Plus de 735 000 personnes ont été évacuées préventivement, principalement à Santiago de Cuba, Holguín et Guantánamo.
Les rues de Santiago de Cuba sont inondées, des toitures ont été arrachées, et des vitres soufflées par la force du vent. Dans la ville d’El Cobre, dix-sept personnes ont dû être secourues après un glissement de terrain et la crue soudaine d’une rivière. L’Agence France-Presse, présente sur place, rapporte un spectacle de désolation : poteaux électriques à terre, routes coupées, plafonds effondrés, maisons inondées.
Le président cubain a appelé la population à rester à l’abri, insistant sur le fait que le danger persiste, l’œil du cyclone n’étant pas encore totalement éloigné. L’État a décrété l’alerte dans six provinces de l’est du pays, mobilisant l’armée et la défense civile pour les secours et la restauration des infrastructures essentielles.
Le bilan régional s’élève désormais à au moins trente morts : vingt en Haïti, trois en Jamaïque, une en République dominicaine et trois au Panama. Ce chiffre, encore provisoire, pourrait augmenter à mesure que les opérations de recherche progressent. Les services météorologiques américains indiquent que le centre de Melissa se déplace actuellement vers les Bahamas, où des rafales de plus de 180 km/h sont attendues, avant de poursuivre sa route vers les Bermudes.
Derrière les chiffres, une question s’impose : pourquoi la région semble-t-elle condamnée à revivre les mêmes drames ? Les spécialistes rappellent que les Caraïbes se trouvent au cœur d’une zone d’intensification cyclonique, amplifiée par le réchauffement des eaux océaniques. Les tempêtes y gagnent en puissance, en fréquence et en imprévisibilité. Melissa s’inscrit dans cette tendance inquiétante d’ouragans hyperintenses, capables de se renforcer en quelques heures à peine.
Haïti, déjà éprouvée par des crises économiques, politiques et sociales persistantes, se retrouve une nouvelle fois démunie face à la force de la nature. Le pays ne dispose pas d’un système de protection civile suffisamment robuste pour prévenir, alerter et secourir efficacement. L’érosion des sols, la déforestation et l’urbanisation anarchique aggravent chaque catastrophe.
Les scènes observées à Petit-Goâve sont un miroir cruel : maisons emportées par la rivière, routes transformées en torrents, familles réfugiées sur les toits. Derrière ces drames se cache une vérité structurelle : l’absence d’un plan national d’aménagement du territoire adapté aux risques climatiques. Sans une politique sérieuse d’éducation environnementale, de gestion des bassins versants et de planification urbaine, chaque tempête future pourrait devenir un nouveau deuil collectif.
Alors que Melissa s’éloigne vers le large de l’Atlantique, le temps du deuil laisse place à celui des leçons. Les ouragans ne sont pas seulement des phénomènes naturels ; ils deviennent des révélateurs d’inégalités, de vulnérabilités et de gouvernance. Face à l’intensification des dérèglements climatiques, la coopération régionale apparaît plus urgente que jamais.
Pour Haïti, Cuba, la Jamaïque et leurs voisins, la reconstruction ne devra pas se limiter à rebâtir les murs détruits, mais à repenser la manière même dont ces sociétés se préparent et s’adaptent. Melissa, par sa violence, a une fois de plus rappelé à la Caraïbe que la survie ne dépend pas seulement du courage, mais aussi de la prévoyance.
Source : Données du Centre National des Ouragans (NHC)









