À la CSCCA, 79 nouveaux vérificateurs choisissent la transparence comme premier acte de service public
Port-au-Prince, 29 juillet 2025 – Dans un contexte national où la défiance du citoyen envers les institutions publiques se nourrit du flou, de l’impunité et du soupçon, le geste posé par soixante-dix-neuf vérificateurs de la Cour Supérieure des Comptes et du Contentieux Administratif (CSCCA) prend valeur de symbole. En se soumettant collectivement à l’obligation de déclaration de patrimoine, ces agents publics, fraîchement assermentés, rappellent à tous que la rigueur administrative ne doit pas être l’exception mais la norme.
À l’initiative conjointe de la CSCCA et de l’Unité de Lutte Contre la Corruption (ULCC), une journée spéciale a été organisée dans les locaux de cette dernière afin de faciliter l’accomplissement de cette exigence légale. Notaire, greffier et substituts du commissaire du gouvernement ont été réunis sur place, rendant l’exercice fluide, sans compromis sur la solennité. Derrière cette opération technique se profile une volonté institutionnelle forte : refonder le lien de confiance entre le citoyen et l’État, en commençant par les serviteurs publics eux-mêmes.
La loi du 12 février 2008 encadre cette démarche. Elle institue, pour certaines catégories de fonctionnaires, l’obligation de faire une déclaration initiale, puis actualisée, de leur patrimoine. Il ne s’agit pas d’un simple rituel administratif, mais d’un mécanisme de transparence dont la portée juridique est articulée avec l’article 242 de la Constitution haïtienne amendée. Ce dernier établit clairement que l’enrichissement illicite peut être démontré par la disproportion manifeste entre les ressources officiellement perçues et le patrimoine accumulé. Autrement dit, toute opacité devient suspecte, et toute absence de déclaration peut être juridiquement interprétée comme une volonté de dissimulation.
En ouvrant la séance, Me Hans Jacques Ludwig JOSEPH, Directeur Général de l’ULCC, a salué cette dynamique vertueuse et en a souligné la valeur exemplaire. Il a rappelé que la déclaration de patrimoine ne protège pas seulement la société contre les abus ; elle protège également le fonctionnaire contre les accusations infondées. Ainsi, se soumettre à la loi, c’est affirmer sa probité. Me JOSEPH a en outre exhorté les autres institutions publiques – de la Police Nationale d’Haïti au Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire – à imiter l’exemple de la Cour.
Cette ligne de conduite a été magistralement consolidée par l’intervention du Président de la CSCCA, Me Rogavil BOISGUÉNÉ. Dans un discours d’une rare précision morale et institutionnelle, il a tenu à rappeler que les vérificateurs sont des agents de contrôle : ils incarnent la rigueur budgétaire, l’exigence de régularité, le devoir de rendre compte. Par conséquent, ils doivent, plus que quiconque, incarner le respect de la loi. « Un vérificateur ne peut se permettre d’être en porte-à-faux avec la loi sur la déclaration de patrimoine », a-t-il martelé, ajoutant que « tout un chacun peut, un jour ou l’autre, faire objet d’une enquête pour corruption ». En d’autres termes, le statut d’agent de contrôle ne dispense pas du contrôle. Il l’impose même.
Il faut ici saluer l’élévation du ton. En affirmant que la CSCCA ne tolérera aucune entorse à cette obligation de transparence, Me BOISGUÉNÉ ne s’adresse pas uniquement à ses collaborateurs ; il adresse un message plus vaste à la République tout entière : le contrôle commence par soi. Cette cohérence entre le discours institutionnel et l’acte administratif, encore trop rare en Haïti, donne à cette journée une portée inédite. Elle contribue à restaurer un principe fondamental de l’éthique publique : nul ne peut réclamer de la probité sans d’abord la pratiquer.
Cette action s’inscrit dans une vision plus large de redressement institutionnel. En effet, la CSCCA, instance supérieure de contrôle des dépenses publiques, ne saurait inspirer confiance sans s’astreindre elle-même à l’exigence qu’elle impose aux autres. Dans son rôle de garant de l’intégrité financière de l’État, elle ne peut tolérer que ses agents soient exposés au soupçon. La déclaration de patrimoine, loin d’être une simple formalité, devient ici un acte fondateur, un rite d’entrée dans la fonction publique moderne.
Au-delà du geste administratif, c’est une posture républicaine qui se dessine. Elle est d’autant plus nécessaire que le pays traverse une crise multidimensionnelle – morale, sociale, politique – où le relâchement des normes a progressivement disqualifié la parole publique. Dans ce paysage érodé, tout geste d’intégrité devient un acte de résistance.
Cette journée du 29 juillet 2025 restera sans doute comme l’un de ces rares moments où la République a rappelé qu’elle pouvait encore se montrer digne, lorsque ses institutions coopèrent dans le respect de la loi et le service de l’intérêt général. Elle rappelle aussi que les grandes réformes ne naissent pas toujours de projets grandiloquents, mais parfois de gestes simples, accomplis avec constance et conviction.
L’ULCC, de son côté, confirme son rôle central dans le rétablissement de l’État de droit. En offrant aux institutions un cadre opérationnel pour remplir leurs obligations, elle ne se contente pas de punir : elle facilite, elle accompagne, elle éduque. Ce rôle, trop souvent méconnu, est pourtant essentiel pour que les obligations de transparence deviennent des réflexes, et non des contraintes.
L’exemple donné par la CSCCA doit désormais être amplifié. Il revient à chaque responsable d’institution, à chaque haut cadre de l’État, de comprendre que la République ne peut survivre sans une éthique publique exigeante. La loi ne doit plus être vécue comme une menace, mais comme une boussole. Et cette boussole, il faut désormais l’imposer, la faire respecter, et l’incarner.









