
Conclave 2025 : dans le secret des urnes sacrées, l’Église catholique se cherche un nouveau pasteur
À partir de ce mercredi, les regards de la chrétienté — et bien au-delà — convergent vers les murs séculaires du Vatican, où s’ouvrent les portes du conclave, cette cérémonie austère et solennelle par laquelle l’Église catholique romaine s’apprête à désigner un nouveau Souverain Pontife. 133 cardinaux électeurs, venus des cinq continents, s’enfermeront dans la chapelle Sixtine, sanctuaire de silence et d’inspiration divine, pour y délibérer dans le plus strict secret. Objectif : élire le successeur de François, dans un contexte aussi incertain qu’exigeant.
Contrairement à la frénésie médiatique de nos démocraties modernes, le conclave demeure un rituel ciselé, rigoureux, presque hors du monde. Les bulletins sont rédigés en latin, les votes orchestrés selon un protocole codifié depuis des siècles. Pourtant, cette parenthèse sacrée n’échappe nullement aux tensions qui traversent notre époque : divisions internes sur les orientations doctrinales, interrogations sur la gouvernance, pressions géopolitiques, et attentes profondes d’une Église universelle confrontée à une crise de confiance multiforme.
Si l’on insiste sur la dimension spirituelle du processus — les cardinaux invoquant le Saint-Esprit pour guider leur discernement —, il serait naïf d’en occulter la part humaine, parfois très politique. Dès les jours qui ont précédé le conclave, lors des congrégations générales, les prélats ont longuement échangé sur les défis de l’heure : la synodalité, les scandales d’abus, le rôle des femmes, les fractures Nord-Sud, ou encore les relations interreligieuses. Officiellement tenues au secret, ces réunions préliminaires ont laissé transparaître certaines dissensions et quelques figures-clés.
Dans cette arène discrète mais redoutablement stratégique, deux profils dominent les pronostics. Le cardinal Pietro Parolin, actuel secrétaire d’État du Saint-Siège, jouit d’un capital de confiance rare, tant pour sa maîtrise des affaires diplomatiques que pour sa posture de conciliation. Face à lui, le cardinal Jean-Claude Hollerich, jésuite luxembourgeois et fin connaisseur des réalités asiatiques, incarne une Église audacieuse, plus ouverte à l’évolution des mœurs et aux attentes des périphéries.
Mais dans ce théâtre de convictions, les équilibres sont fragiles et les coalitions mouvantes. Le fait que 108 des 133 électeurs participent à leur tout premier conclave crée une imprévisibilité inédite. Le vote pourrait être court — comme ce fut le cas pour les trois derniers papes — ou, au contraire, s’enliser dans les méandres de la négociation.
Parmi ces hommes en pourpre figure aussi un visage familier pour la Caraïbe : le cardinal Chibly Langlois, évêque des Cayes, premier cardinal de l’histoire d’Haïti. Porteur d’une voix pastorale profondément enracinée dans la réalité d’un peuple éprouvé mais tenace, il incarne à sa manière la part invisible mais réelle de ces Églises des marges, souvent négligées mais essentielles à l’universalité du catholicisme. Dans les couloirs du Vatican, sa présence, modeste mais attentive, rappelle que la dignité spirituelle ne s’évalue pas à l’aune des puissances, mais à celle de la fidélité, de la souffrance et de l’espérance.
L’issue du conclave sera, comme toujours, annoncée par la fameuse fumée blanche. Mais au-delà du symbole, c’est tout un monde qui attend une direction, une parole, une figure capable d’écouter les blessures du temps sans renoncer à la verticalité du message chrétien. Le prochain pontificat aura à conjuguer tradition et réforme, centralité romaine et décentralisation, rigueur théologique et compassion pastorale.
Au fond, plus qu’un choix d’homme, c’est une orientation d’âme que cherchent à discerner les cardinaux. Et si, dans la salle silencieuse, les voix humaines tranchent, c’est dans l’espérance qu’elles ne font que répondre à un appel plus haut.