Haïti en crise : une institution ose la transparence — le FNE publie ses chiffres et ses projets, avec un signal fort pour l’ensemble de l’administration publique
Au cœur d’une Haïti malmenée par l’instabilité politique, l’insécurité croissante et une gouvernance publique souvent paralysée par la corruption, le Fonds National de l’Éducation (FNE) prend une décision rare : celle de publier ouvertement et intégralement un rapport officiel retraçant les actions menées depuis la nomination d’une directrice générale, Mme Sterline Civil à sa tête en février 2025. Ce geste, à la fois technique et symbolique, mérite d’être salué comme un alentour d’espoir dans un environnement institutionnel qui peine à montrer ses comptes.
Loin des logiques clientélistes ou opaques qui gangrènent souvent les structures publiques, la Direction générale remet sur la table des données concrètes : sur le fonctionnement interne, l’utilisation des fonds, les critères de sélection des programmes, les objectifs à atteindre. Dans un pays dont le score de corruption est de 16/100 selon Transparency International en 2024, plaçant Haïti au 168ᵉ rang mondial , cette forme de reddition de comptes est exceptionnellement marquante.
Le rapport dresse un diagnostic sans fard : un FNE à l’arrivée de Mme Civil jugé « vidé de sa structure », avec des dettes estimées à plus de 2,3 milliards de gourdes, des engagements financiers non justifiés pour plus de 600 millions, et un système de gouvernance dépourvu de contrôle interne . En réponse, la nouvelle direction indique avoir lancé des audits, instauré un système comptable robuste (ACCPAC/SAGE), réduit drastiquement les dépenses administratives et réorganisé complètement les services.
Parallèlement, sur le terrain, l’institution met les actes en regard de ses mots. Le Programme d’Appui aux Écoles et Familles (PAEF) a déjà aidé plus de 2 500 familles et 150 écoles dans les zones les plus fragiles du pays. Le FNE a procédé à des inspections, à la réhabilitation de plusieurs établissements, à la mise en place d’initiatives pour les enfants en situation de handicap, au soutien des cantines scolaires et à un travail de terrain avec cent jeunes enquêteurs sur l’impact social de l’insécurité sur l’éducation . Ces initiatives prennent tout leur poids dans un contexte où UNICEF estime que plus d’un million d’enfants haïtiens sont en urgence éducative, avec des centaines d’écoles détruites et fermées .
Ce rapport, rendu public par l’institution elle-même, sans qu’il soit précédemment divulgué dans la presse, marque une rupture avec les habitudes de silence administratif. Il pose des chiffres, expose des choix de gouvernance, explicite des priorités. C’est salutaire dans un contexte où gang criminalité, influence politique trouble l’octroi de services publics — récemment dénoncé par l’ambassade américaine pour des tentatives de corruption visant à déstabiliser le pays .
Cette initiative demeure réaliste : elle ne promet pas la fin instantanée des crises structurelles, mais elle propose une méthode alternative. Une méthode fondée sur des bilans, des évaluations, des critères objectifs d’allocation des ressources. Une posture institutionnelle qui, dans un contexte de violence sociale et de faiblesse étatique, devient un acte politique. Un acte de redressement.
Et si cette transparence devenait la norme, et non l’exception ?
Et si chaque institution publique acceptait de publier ses comptes, ses priorités, ses résultats — dans un esprit d’ouverture et de responsabilité envers la société qu’elle sert ?
Le rapport est consultable et téléchargeable en ligne sur le site officiel de l’institution www.fne.gouv.ht Il offre une base pour évaluer non seulement l’avenir du FNE, mais aussi la possibilité d’un peu d’autre gouvernance : celle qui rend visible ce qu’elle fait, qui rend compte de ses choix, et qui construit pas à pas la confiance publique.









