Haïti : l’AEOSC réunit une Assemblée extraordinaire pour structurer le dialogue national avant le 7 février 2026
À un moment où Haïti traverse une phase d’incertitude politique et institutionnelle d’une ampleur singulière, l’Assemblée Extraordinaire des Organisations de la Société Civile (AEOSC) a regroupé, à l’hôtel Kinam, une soixantaine d’organisations issues de dix-neuf secteurs. Cette rencontre, tenue dans un climat de prudence et de gravité, vise à établir un cadre de dialogue susceptible d’éclairer la gouvernance à l’approche de l’échéance du 7 février 2026.
Créée le 23 mai 2025, l’AEOSC se présente comme une plateforme citoyenne autonome, portée par la vision de Manbo Yaya Valeska Maurice Agbara Ya Toya. L’organisation affirme vouloir offrir un espace de réflexion et de concertation en dehors des dynamiques partisanes, estimant que la société civile a un rôle légitime à jouer dans l’analyse des orientations nationales et la formulation de pistes de réforme.

Le document stratégique présenté aux participants esquisse un paysage préoccupant : une capitale en grande partie sous emprise de groupes armés, plus d’un million de personnes déplacées, une insécurité alimentaire d’ampleur exceptionnelle, une justice quasi paralysée, une police éprouvée, et un gouvernement de transition confronté à des défis colossaux. L’ensemble renforce l’idée que les mécanismes habituels de régulation politique n’opèrent plus avec la cohérence nécessaire.
L’initiative intervient alors que l’expiration de l’Accord du 4 avril 2024 approche. L’absence de consensus national pourrait exposer le pays à un nouveau vide institutionnel. C’est dans cette perspective que l’AEOSC avait, dès août dernier, lancé un Appel solennel au Dialogue Inter-Haïtien, suivi d’un appel à contributions ouvert à la population. L’Assemblée extraordinaire constitue une étape de consolidation de ces propositions.
Les travaux ont été structurés autour de quatre axes : l’inclusion citoyenne, la mise en cohérence des propositions, la transparence du processus et l’élaboration d’une vision stratégique. Les contributions recueillies ont été réparties en grands domaines sécurité, gouvernance, justice, économie, santé, éducation, environnement, culture puis analysées par des groupes mixtes réunissant praticiens, universitaires, organisations sociales et citoyens engagés.
Les conclusions issues de ces échanges seront synthétisées, discutées en plénière et intégrées dans un document destiné à accompagner les réflexions sur la transition. Cette approche se démarque des conciliations politiques habituelles en privilégiant une délibération élargie et méthodique.
L’AEOSC prévoit de produire :
— un document consensuel de transition, rendant compte des convergences et divergences ;
— une feuille de route post-7 février, identifiant les urgences nationales ;
— un schéma provisoire de gouvernance, destiné à assurer la continuité de l’État et à préparer des élections.
Ces outils pourraient, selon les organisateurs, contribuer à donner une assise plus stable à la transition, à condition qu’ils soient reconnus et intégrés dans les discussions nationales.
Le 29 novembre n’a pas été retenu au hasard. Il renvoie à la période où, en novembre 1803, fut proclamée l’indépendance après la bataille de Vertières. L’AEOSC évoque ce rappel historique pour souligner la place centrale que la société civile entend occuper dans les débats contemporains.
La portée réelle de cette initiative reste néanmoins une interrogation majeure. Les rapports de force en Haïti entre acteurs politiques, groupes armés, secteurs économiques et partenaires internationaux demeurent déterminants. L’AEOSC dit compter sur la crédibilité de sa démarche, sur la transparence de son processus et sur la diversité des organisations impliquées pour peser dans le débat.
Dans un pays en quête de stabilité, cette Assemblée extraordinaire représente une tentative de réhabiliter un espace de discussion collective, fondé sur la méthode et la participation. Elle ne constitue pas une garantie de sortie de crise, mais elle réintroduit un élément essentiel : un effort organisé visant à replacer la société civile dans un rôle actif au moment où la transition s’annonce délicate.








